« voir c’est comprendre, juger, transformer, imaginer, oublier et s’oublier, être ou disparaître. » Paul Eluard
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musique: « Fast Train » générique de « the Wire »
Mathieu Do Duc est photographe auteur indépendant travaillant comme il dit « pour le Temps qu’il faut ». Né en 1958 au Vietnam, il vit à Marseille depuis 1965 avec une intermède de quinze ans en région parisienne. Très influencé par la génération des Street Photographers américains tels que Lewis HINE, Eugene SMITH et des photographes humanistes français (HCB, W.RONIS, Dominique DARBOIS, Robert DOISNEAU, E.BOUBAT, IZIS et tant d’autres) il a démarré la photographie par un travail de 9 années sur les enfants d’une cité HLM de Fresnes*, en banlieue parisienne pour lequel il a obtenu une bourse du Conseil Général du Val de Marne. De retour à Marseille, grâce au concours « d’Images Plurielles » en 2000 , il a édité un livre « Photo-la-graphie moi » rassemblant ses travaux sur les enfants en immersion urbaine. D’autres publications ont suivi, des coffrets thématiques sur le jazz, les amoureux, les gens en vélo et le Vietnam et un ouvrage sur les lecteurs d’ici et d’ailleurs « Lire A tout Prix ».
Dernier travail en date, « Polas Bénin » sortie prévue mars 2023, où à partir du procédé Polaroid FP100, il a pu à la fois donner les photos aux personnes photographié.e.s et interpréter et livrer, à partir du négatif récupéré, une vision poétique et intemporel de ce premier pays africain visité.
« Du simple passant de la rue aux musiciens de jazz, des enfants aux seniors loin dans les villes du monde ou ici et maintenant à Marseille, il a à cœur de capter la beauté, parfois la gravité mais toujours la poésie d’un geste, d’un regard, d’une situation, de chaque moment de la vie au quotidien qui défilent devant son appareil. Révéler ce qui est bien présent sous nos yeux mais que nous n’avons plus de temps de regarder. Pour cultiver l’instinct de l’instant . »
Mon travail s’apparente à celui du pêcheur, comme se plaisait à le dire Robert Doisneau, attendre l’instant de grâce, de magie offert par le hasard à celui qui se donne la peine de regarder mais qui n’attend rien : Être simplement à l’écoute, prendre le temps des rencontres, accorder son regard sur le souffle, s’immerger dans les bruissements de la vie et aller à l’essentiel, puis enclencher le bouton comme l’enfant lâche le doigt du père, sans heurt, sans précipitation ni fébrilité comme allant de soi, naturellement pour vaquer à ses occupations d’enfant.
Je reste pour ma part fidèle à l’argentique, et surtout au noir et blanc qui me permet de m’abstraire de la pesanteur tyrannique du temps à laquelle nous assujettit notre société. Le long cheminement de l’image, de la pellicule au papier sensible, me semble-t-il, relève de la maturation du fruit qui, pour donner le meilleur de lui même, a besoin de lumière, d’eau, de terre, d’attention, et surtout de temps. En prolongeant le délai d’attente, Il m’enseigne la patience, l’acceptation de l’incertitude et m’impose l’humilité. En effet, qui peut affirmer que ce qu’il y a sur le film sera bon, que la photo prise sera « réussie » ou non ? Tel le fruit, on ne peut juger de son goût qu’une fois cueilli et mis en bouche.
Il m’apparait paradoxal de dire que la sensation, le goût de liberté, d’intemporalité de mes images dépend de ce processus, de cette alchimie complexe entre l’œil, le cœur, la lumière, le souffle et le temps qu’il faut pour que le tout s’agence en un seul et même Instant… de magie* (Edouard Boubat)
Et pourtant…
* Ce travail a été montré à nouveau, 30 ans après aux habitants du quartier dans le cadre d’un projet de cohésion sociale, d’octobre à décembre 2017 au cœur de la cité même et à partir du 12 avril 2018 à la ferme de Cottinville, musée de la ville de Fresnes.
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