Critique publiée à propos de sur « Body and Soul »
L’éditeur Images Plurielles sort aujourd’hui Body and Soul, portraits de jazzmen. Un texte de Sarner, dont voici l’entame, ouvre le coffret : «Ça ne commence pas Continue seulement Continue comme l’eau comme l’Incendie et bouge dans le Large l’Eperdu Ce qui se passe le de la Note apporte avec lui le soleil montant ou descendant ou la Nuit pleine la succession le Souffle…» L’absence de ponctuation et les majuscules sont de lui. L’enchainement des mots, l’avalanche de phrases, le rythme en cascades, m’a replongé gamin sur des montagnes russes. Le poète nous offre une autre écoute des solos de Chet Baker (à gauche), d’Art Farmer, de Miles Davis (photo en bas à gauche), de David Murray. Des créateurs infatigables, pour l’éternité debout sur les cartes dans le boitier, grâce au claquement de doigt du photographe.
Quel festin!
Le regard de Mathieu Do Duc traque les ombres intérieures des musiciens. Je l’ai vérifié au Duc des Lombards le 24 juillet. L’expression de défi permanent du saxophoniste Sonny Fortune (sur la photo de droite), qui improvisait ce soir-là sur Footprints de Wayne Shorter, Caravan et In a sentimental mood de Duke Ellington (avec le pianiste Kirk Lightsey et le contrebassiste Wayne Dockery), je la retrouve telle quelle dans les photos. Qu’aperçoit Fortune que je ne vois pas? Qui toise-t-il? A qui parle-t-il d’autre que le public? Sans doute aux ombres avec lesquelles Sarner converse régulièrement, entre les mots et les notes. Sur des tronçons de route qui n’existent pas encore. Du moins pas pour nous.
Bruno Pfeiffer blog libération