Social distortion, New Orleans, Août 2015 ©
musique: « mon côté punk », Loïc Antoine
Distorsion sociale?
« Je n’ai pas reçu de réponse de votre part! Cela veut-il dire que vous n’êtes pas intéressé pour me représenter?«
A ma relance de demande de représentation de mon travail dans une galerie dédiée à la photographie humaniste, dont je tairai le nom ici, voici la réponse que j’ai reçue:
« Désolé, effectivement, nous n’avons pas la clientèle pour vos photographies. »
Un peu brutal, non? ou plutôt brut de décoffrage. Je ne sais pas pourquoi je n’aime pas beaucoup ce terme de clientèle. J’avais la naïveté de croire que mes acheteurs potentiels étaient des amateurs de belles photos, des amoureux d’un genre, d’un style de photo, éventuellement des collectionneurs, des passionnés, des mordus, des connaisseurs, des mécènes ou philanthropes, des bienfaiteurs des parrains ou marraines , des généreux donateurs, ou simplement des gens qui croient en votre travail ou sont simplement ouverts et sensibles à l’art des autres, ou qui par humanité et amitié vous encouragent et vous invitent à poursuivre votre travail. Et là, boum, le choc! « Désolé, nous n’avons pas la clientèle pour vos photographies ».
Alors je me raisonne et m’interroge : Effectivement, j’ai bien entendu parler de marchands d’art, avec une clientèle haut de gamme, exigeante mais fidèle, affairée et fortunée, ciblée et bien au fait des fluctuations du marché de la photographie, des étoiles montantes, des valeurs sûres, des placements voire des investissements à long terme, écumant les galeries, se précipitant aux rencontres et aux grands festivals photographiques à la recherche de la photo tant désirée, convoitée, pouvant avoisiner un montant vertigineux, et même à la recherche de photographes disparus, si Vivian M m’entendait! Mais « ce n’est pas la clientèle pour mes photographies » résonne en moi comme un étrange refrain, une sorte d’électrochoc, un petit coup de « t’as pas le côté chic du fric »…
Alors je fais le tour de mes amis et des premiers acquéreurs de mes photographies, eux mes premiers soutiens qui les ont accrochées parfois sur leurs murs, qui ont accueilli mes images contre monnaies sonnantes et trébuchantes. C’est donc eux que je dois classer parmi « la clientèle de mes photographies ». Mais qui êtes vous donc, très chère clientèle à moi ?
Et je me dis qu’il est grand temps de les « disséquer », métaphoriquement j’entends, de les étudier, d’enclencher une vaste étude marketing pour comprendre à quoi devrait correspondre « ma clientèle »! Car enfin, il me faut bien les connaître pour vendre, pour me faire reconnaître ou du moins trouver « THE Galerie » qui dira « Vous avez bien fait de nous contacter pour votre magnifique travail car nous avons exactement la clientèle pour vos photos… » Bref pour bien se caser et casser la baraque, mon quart d’heure de gloire, de célébrité, que les projecteurs soient braqués sur moi enfin!
Mais insidieusement la petite musique de « désolé nous n’avons pas la clientèle pour vos photographies », résonne à nouveau, comme une faute d’orthographe qui revient sans cesse, un mauvais pli de départ, qui vous poursuit sans cesse, des noms de rues que vous mélangez depuis toujours…
Et patatras voilà que je choisis comme photo d’ émoi de Mai et Juin cette photo prise à la nouvelle Orléans de trois personnes visiblement originales, décalées néanmoins zen, attentives presque méditatives devant le calme majestueux du Mississippi, « Social distortion ». Et je pense aux paroles du groupe « mon côté Punk », qui en guise d’explication déclarent qu’ils semblent lisses à l’extérieur, mais ont « la crête » à l’intérieur…
et leur refrain:
« J’y peux rien, c’est mon côté punk
C’est le vieux démon qui démonte mon monde
J’y peux rien, c’est mon côté punk
J’ai la vie en vice qui s’fout d’mon avis »
Distorsion sociale, vraiment?