« C’est peut-être l’enfance qui approche le plus de la vraie vie. » André Breton
musique: Eric Bibb, « needed time »
La photo du mois de novembre a été difficile à choisir et pour cause, elle devait marquer un commencement : j’ai commencé à prendre mes premières photographies il y a maintenant près de trente ans, à la naissance de mon fils aîné.
Il me fallait donc choisir parmi mes premiers thèmes et le travail sur la cité de Groux, mon premier vrai sujet, me semblait approprié car le plus abouti. Il y regroupe en réalité tous les thèmes que j’ai plus ou moins développés par la suite.
J’ai commencé par photographier les enfants et ensuite les autres habitants dans cet ensemble HLM de Fresnes dans lequel je vivais. Avec un collectif « couleur » composé d’assistantes sociales, d’éducateurs, de l’association « espoir », l’amicale des locataires, nous avons voulu donné une image différente de la vie des cités. Les enfants, à travers leurs jeux, leurs petites et grandes histoires, leurs sourires, leurs grandes joies et leurs petites misères parfois. Témoigner de la richesse, de l’énergie, des rêves et interrogations de cette jeunesse en mouvement perpétuel, immergée dans ce fatras bétonné et impersonnel. Ce travail entre 1986 et 1994 a bénéficié d’une bourse du Conseil Général du Val de Marne. Il a été montré dans une douzaine de communes du département.
En 2012, une des enfants photographiés, Mahye Ly (elle a maintenant une trentaine d’années) me contacte plus de 20 années plus tard pour essayer de rassembler à nouveau les anciens habitants du quartier. A cette occasion, j’extrais de mes archives près de 700 photos pour la plupart inédites non seulement des enfants mais d’autres habitants de la cité des Groux, frères, sœurs, mères, pères, voisins. Nous décidons de tout faire pour les montrer aux habitants du quartier. Son idée: rassembler les énergies du quartier autour de ce projet.*
Ces photos sont importantes pour moi. J’ai beaucoup appris en prenant ces photos et développer les qualités indispensables au photographe notamment la discrétion, la faculté de s’effacer derrière son sujet, la rapidité d’exécution, avoir toujours un appareil photo sur soi pour ne rien rater et surtout faire en sorte qu’il fasse partie de vous, une extension de vous même. Regarder à travers le viseur de l’appareil photo toute une humanité citadine aide à forger et à grandir dans son art. Pour cela, je leur en serai éternellement reconnaissant. C’est à ces enfants devenus maintenant adultes et même parents eux-mêmes que je dois le surnom de « photographe de mon enfance ». Quelle plus belle reconnaissance que celle ci !
*A ce jour nous continuons encore à chercher des financements pour montrer ce travail.
cité les Groux, Fresnes de 1987 à 1994