La photo d’émoi de Janvier et Février

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old_couple_dancing    San Francisco, 2013 ©

A l’heure des bilans de fin d’année et à l’aube de cette année naissante, la photo d’émoi de Janvier et Février porte sur un de mes thèmes les plus chers, les aînés et plus précisément parmi eux « les vieux couples ».

Par « vieux » ici j’entends au moins plus de 30 ans de vie commune. Enfin c’est un minimum et vous allez découvrir la raison d’ici la fin de cet article.

En préambule, je tiens à dédier ce texte à la mémoire du beau-père de ma nièce du Texas, Ramon Bejarano, qui vient de nous quitter pour d’autres  cieux.

C’est justement au cours du mariage de ma nièce Jessica avec Chris, en juillet 2009,  que j’ai découvert un jeu inédit de chaises musicales pour couples.

Il s’agissait de mettre tous les couples sur une piste de danse et lorsque la musique s’interrompait, de les faire rester le plus longtemps possible dessus, au fur et à mesure que le DJ annonçait le nombre d’années de vie commune dans un ordre croissant,

-« ceux  qui sont ensemble depuis  moins  d’un 1 an,  veuillez quitter la piste  s’il vous plait, »

-depuis 2 ans, 5… 10… 15 ans… .. »

A l’approche des 30 ans, seuls trois couples continuaient encore de danser…

A 32 années, plus que deux couples restèrent dans la course dont Ramon et Benita,  qui se trouvaient être par le plus grand des hasards les parents du marié.

C’est alors qu’il leur a été demandé de dispenser leurs conseils, leurs petites recettes, leurs petits secrets pour que la vie de couple qui s’annonçait soit la plus harmonieuse, heureuse et  plus longue possible.  Je laisse à chacun le soin  de deviner ou d’imaginer les réponses… Et même d’y mettre vos propres réponses.

 Nous découvrions ainsi les raisons de ce petit jeu finalement plus profond qu’il n’y paraissait.

De retour en France, en parcourant mes archives, je me suis aperçu que j’avais pris pas mal de photos sur les Vieux couples depuis mes débuts en photographie, fin des années 80. J’ai donc continué jusqu’à aujourd’hui à photographier dans la vie de tous les jours ces « vieux amants » de la chanson de Brel pour qui j’ai une tendresse infinie et qui me rappellent sans doute mes grand-parents que je n’ai plus vus depuis l’âge de mes sept ans et qui renvoient au futur grand père que je suis en train de devenir. C’est peut-être cela finalement qui nous pousse à photographier l’autre, une sorte de recherche et de projection de soi, un autoportrait ininterrompu …

J’ai aussi rencontré quelques vieux couples, qui à parfois plus de soixante de vie ensemble, m’ont raconté leurs petites histoires  d’amours partagées, de rencontres improbables, « d’orages » aussi parfois comme le chante l’ami Brel, bref des histoires de Vie tout simplement.

A une époque où les gens divorcent pour un oui ou un non, avec même une profession en pleine expansion, le photographe de divorce,  à une époque où tout évolue si vite que l’on ne supporte plus ni l’attente ni l’imperfection, où l’on ne prend plus le temps de réparer mais de remplacer au plus vite,  où les familles sont éclatées puis recomposées,  où plus rien n’offre de repère stable et permanent, où l’artificiel, le paraître priment sur le naturel, le sensible, l’authentique,  où le jetable prime sur  le durable nous avons plus que jamais besoin d’entendre la voix de nos aînés, d’écouter leurs précieux témoignages, ou  simplement les regarder vivre, se déplacer autour de nous, les voir évoluer lentement dans nos espaces devenus quelquefois impersonnels et hostiles. Ils marchent main dans la main, indifférents au fracas de nos villes et au désordre de nos vies.

Peut-être qu’on pourra  prendre la vraie mesure du temps qui passe et y entrevoir l’essentiel…

ps: Je publierai prochainement ce travail sur mon site